Yuni était installée à la rivière depuis un bon moment déjà. Elle était évidemment occupée à lire un livre qu'elle avait emprunté à la bibliothèque. C'était en prévision de la prochaine rencontre du club des têtes dans les étoiles. Elle voulait avoir quelque chose de nouveau à apporter à la discussion, puis ce soir, elle voulait vérifier sa nouvelle carte des étoiles. Ici, c'était un bon endroit pour le faire. Il ne fallait qu'attendre le couché du soleil. Yuni avait là une belle soirée en perspective.

À 18 heures, elle fait une petite pause de lecture pour grignoter le sandwich qu'elle s'était fait le matin même, quelques morceaux de fromage. Elle cueilla ensuite une poire juteuse d'un arbre pas trop loin en guise de dessert. Puis 19 heures arriva, et elle était loin de se douter qu'elle ferait une rencontre avec sa plus grande peur. Eh non! Yuni passait une si belle journée qu'elle oubliait les détails moins attrayants de son escapade à la rivière. La tête dans son livre, le dos accoté contre un arbre, elle entendant les bruits de l'eau. Très apaisant. Mais cette ambiance se vit gâcher par une créature à huit pattes absolument dégoutante, horrifiante. Yuni lâcha un cri de mort, son livre prit le bord et tomba à moitié dans la rivière. Pour se sauver, elle grimpa dans l'arbre en pleurant. La maudite tarentule restait là. Oh non!

À l'aide!!

_ “ viens par-là !! “

La voix de Capri résonne dans cette petite prairie, non loin des rivières, alors que brusquement, il abat son filet sur le sol. Il essai d’attraper une sauterelle pour qu’elle puisse venir vivre avec lui dans son appartement, et tenir compagnie à Gisèle, l’autre sauterelle déjà installée dans sa maisonnée. Mais les sauterelles du jour semblent plus vives que lui. Il n’arrive pas à en attraper une seule pour faire une copine à Gisèle.  

_ “ Crotte de chèvre. “

Bougonne-t-il les fesses au sol, les jambes écartées, et soufflant d’ennui. Il en a marre, il s’impatiente. Il pose son filet au sol alors qu’une nouvelle sauterelle sautille sur ses jambes.  

_ “ C’est pas très gentil. “

Puis le silence de la clairière est fendu par un cri strident. C’est un peu inquiétant d’ailleurs, tellement que ça lui hérisse les poils de partout – et il en a des poils. Sa première réaction, est de vouloir fuir. Les cris comme ça, ce n’est jamais bon. Mais d’un autre côté, la curiosité... Il se relève, hésitant, puis d’un pas de loup, sur la pointe des pieds, il va vers le son du cri, derrière les arbres, vers la rivière... Sa silhouette cachée derrière un arbre, il espionne... Juni ! La jolie Juni est perchée dans des branches, visiblement terrorisée par quelque en dessous. Il abaisse ses yeux... Une tarentule ! Okay... Juni en temps normal, il la fuit comme la peste. Non pas comme vraiment la peste, mais... Parce qu’elle est jolie, et qu’il a peur de finir par le lui dire sans s’en rendre compte. Ces choses-là, ça sort tout seul de sa bouche. Mais là, la tarentule, c’est sa chance ! Il en veut une pour faire peur à Chalseu. Alors les sourcils froncés, le visage décidé, il relève son filet, sort de sa cachette, et court vers la tarentule !

_ “ KYYYYAAAAAAAAAA !! “

Cette dernière se met sur ses pattes arrière, alors il se stoppe. Le cœur battant, il sait que ça peut-être une question de vie ou de tomber dans les pommes. Mais il ne peut plus faire demi-tour... Juni le regarde. Ce serait trop honteux. Alors il ferme ses yeux, et donne un gros coup de filet vers la tarentule. Elle l’évite, prend peur, et s’enfuit vers la forêt. Il rouvre un œil. Plus de tarentule. Ses épaules tendues retombent, il est déçu.  

_ “ Crotte de chèvre. “

Timidement, il se retourne... Ses yeux se posent sur la jolie silhouette de Juni. Il rougit, sans trop pouvoir commander ça. Puis il sourit, maladroitement, timidement, passant une main dans ses bouclettes, super gêné. Aucun mot ne pouvant sortir de sa bouche.

Oh là là! Et dire que tout allait si bien avant qu'elle rencontre son pire cauchemar, une tarantules. C'était dégoûtant! Elle était là, avec ses huit pattes dégoûtantes et poilues, Yuni avait si peur qu'elle allait se pisser dessus. Compose-toi, Yuyu! Ce n'est vraiment pas le temps de salir ses beaux jeans! Mais dès que l'insecte affreux se mit à bouger, Yuni prit ses jambes à son coup et escalada l'arbre le plus près d'elle. C'était fou ce que l'adrénaline pouvait faire! Tout pour ne pas être en contact avec la bête. Sauf que cette dernière ne semblait pas vouloir partir. Un cri à l'aide s'imposait, Yuni assumait sa phobie, et elle assumerait les regards remplis de jugement s'il y avait. Elle était déjà sur le point de pleurer, est-ce que ça pouvait être pire? Oui, se pisser dessus, mais heureusement, on n'en était pas là.

À sa rescousse, fut-elle surprise de voir Capri, ce jeune homme frisé avec qui elle aurait vraiment voulu discuter plusieurs fois. Hélas, il finissait toujours par quitter, ou carrément disparaître, parfois les joues rouges, parfois en panique. Yuni ne comprenait pas trop son comprotement. Mais le beau jeune homme était là, filet à la main, comme si ça avait été le destin. Yuni, le regard paniqué, observait la scène sans rien dire. Lorsqu'elle vit l'araignée géante se lever sur ses pattes, elle chiala de dégoût, mais se voulait tout de même discrète pour ne pas déranger son sauveur dans sa tâche.

Capri réussi à faire déguerpir la tarentule, mais il semblait déçu de ne pas l'avoir attrapée. Pour Yuni, il était tout de même son sauveur. Les mains sur les joues, timide à souhait, elle le remercia en le regardant rapidement. Il fallait dire qu'elle se sentait un peu honteuse d'être là, dans l'arbre.

Merci Capri...

L'adrénaline rebaissait tranquillement dans son système. Tout à coup, elle réalisa où elle était dans l'arbre, et le sol lui semblait si loin et si difficile à rejoindre. La coréenne regarda ses options pour descendre. C'était toujours plus facile de monter que de redescendre d'un arbre... Dans toute sa maladresse, elle descendit doucement via une grosse branche, s'accrochant toujours au tronc. Pas assez sûre d'elle pour se laisser tomber au sol, elle demanda, craintive :

Elle est vraiment partie, la tarentule, hein?

Déception, tristesse, amertume. Il vient de laisser filer l’une de ses plus grandes chances d’avoir enfin de quoi faire peur à Chalseu. Et pire encore, il s’est montré inutile et incapable en chasse aux insectes, sa plus grande passion, devant ELLE. Devant Yuni. Il se sentait tellement honteux, que ses joues étaient déjà rouge pivoine. Il serrait son filet entre ses mains moites, mal à l’aise, angoissé, sans même vraiment savoir pourquoi. Yuni elle provoque des trucs bizarres chez lui. Et surtout, une envie pressante de se sauver loin d’ici. Parce qu’il la trouve trop jolie certainement. Et qu’une fille aussi jolie ne peut que le trouver bizarre et se moquer de lui, peut-être ? C’est plus facile de fuir et d’éviter les regards moqueurs, que de les assumer. Capri assume ce qu’il est, et ses bizarreries. Mais il est un peu las de se faire moquer parce que “à son âge” c’est inacceptable d’agir comme ça.  

Il se retourne tout de même, hésitant, les yeux passant sur Yuni avant de fuir, puis remontant vers elle pour ne pas réussir à y rester. Il baise le regard, comme s’il n’avait pas le droit de la regarder. “ Merci Capri...  “ L’une de ses mains lâche le filet pour venir ébouriffer un peu plus sa chevelure bouclée.

_ “ J’ai pas fait grand-chose, j’ai même complètement raté mon attaque. “

Minaude-t-il d’une moue boudeuse. Il la voulait tellement cette tarentule. En plus, il a bien besoin de compagnie dans son appartement, parce que Sauterelle se cache toujours et qu’il ne fait que bazarder son appartement pour essayer de la retrouver. Alors qu’une tarentule, il ne la perdrait pas de vue et ne risquerait pas de l’écraser par mégarde. En plus, elle l’assommerait avant.  

Yuni commence à tenter une descente de l’arbre, et comme ainsi elle se concentre sur le sol, il peut enfin la regarder plus attentivement. Un petit sourire se dessine alors sur ses lèvres. C’est dans ses moments-là qu’il faut qu’il se répète dans sa tête, de ne surtout pas parler. Il pourrait lui sortir un truc du genre “quelle jolie petite bouille !” alors qu’il voulait se contenter de le penser ! “ Elle est vraiment partie, la tarentule, hein ?  “ Il dérive son regard à droite puis à gauche, et hausse les épaules en revenant sur Yuni.  

_ “ Je crois bien que oui. Elles n’aiment pas les filets. Je vais te raccompagner en ville si tu veux ? “

Ho non, il regrette déjà sa proposition ! Il prend le risque de gaffer s’il passe encore plus de temps avec elle ! Il se sent tellement stupide. Mais pas le temps de s’en maudire, il voit bien que Yuni galère à descendre de son perchoir. Alors il trottine vers elle, puis tant ses bras en l’air, vers sa fine silhouette.  

_ “ Ne te fais pas mal surtout. “

Et qu’elle n’abîme pas son joli visage en se ratatinant le nez au sol ! Il pose délicatement ses doigts sur les hanches de Yuni, pour la soutenir et la reposer au sol. Une nouvelle panique résonne dans son corps et son cerveau, il a les mains de poser sur une fille, les mains de poser sur une jolie fille ! Alors une fois Yuni au sol, et face à lui, trop près de lui, il retire immédiatement ses mains et se recule pour reprendre son filet. Filet qu’il sert à nouveau entre ses doigts tant il est mal à l’aise.  

_ “ Hum... Tu sais... Les tarentules savent grimper aux arbres ? “

C’était tellement débile de lui faire encore plus peur... Mais il ne supporte pas les gros blancs Capri, faut qu’il parle pour briser le silence.